Critique Cinéma - Tel père, tel fils (Hirokazu Kore-eda)

Publié le 25 Janvier 2014

Crédits photo : © images tirées du film

Crédits photo : © images tirées du film

Qu'on se le dise, le Japon est une grande terre de cinéma. Elle est notamment le fleuron de l'animation, particulièrement grâce aux studios Ghibli où travaillent les grands maîtres Hayao Miyazaki (Mon voisin Totoro, Princesse Mononoké...) et Isao Takahata (Pompoko, Le tombeau des lucioles...), mais ne se résume pas seulement à cette discipline. En effet, il y règne aussi une grande diversité avec des artistes allant d'Akira Kurosawa (Kagemusha, l'ombre du guerrier) à Takeshi Kitano (Outrage) tout en passant par Hirokazu Kore-eda. La filmographie exemplaire et variée de ce dernier est à elle seule une preuve de cette diversité (Air Doll, Still Walking). Son dernier film, Tel père, tel fils, a été sélectionné au dernier Festival de Cannes en compétition officielle et a été auréolé du Prix du jury et du Prix du jury oecuménique.

Critique Cinéma - Tel père, tel fils (Hirokazu Kore-eda)

Ryota Nonomiya, architecte de talent, vit avec sa femme Midori et Keita, leur fils de 8 ans. Cette famille aisée à l'éducation stricte verra sa vie chamboulée lorsque l'hôpital où Midori a donné la vie leur annonce qu'un échange de nourrissons a malencontreusement été effectué avec la famille Saiki, aux conditions de vie plus modeste et à l'éducation beaucoup moins carrée...

Qu'est-ce qui fait une famille ?

Voilà la question à laquelle Tel père, tel fils tente de répondre pendant deux heures. En opposant les Nonomiya et les Saiki, Kore-eda nous montre un contraste d'éducation qu'on peut observer entre une version plus traditionnelle et une plus moderne du Japon. D'un côté nous avons les Nonomiya trônant au sommet de la ville dans leur tour de métal dont le maître mot est réussite et de l'autre se trouvent les Saiki et leur petite boutique d'électronique qui privilégient l'affection dans son état le plus pur à l'ambition personnelle qu'impose la société. Voir se rapprocher ces deux familles totalement différentes suite à la découverte de l'échange d'enfants va faire voler en éclat les convictions de Ryota, qui était persuadé d'agir correctement vis-à-vis de Keita. Son monde s'écroule alors, révélant des traumatismes profonds liés à sa propre relation avec son père. Le film se concentre ainsi véritablement sur les relations père-fils et plus particulièrement sur l'origine de cet amour particulier. Est-il lié au sang ou tout simplement à quelque chose sans rapport avec la génétique ?

Cette question à laquelle Ryota va devoir répondre en effectuant un travail sur lui-même sera traitée de la manière la plus juste possible par Kore-eda qui évite habilement la réponse facile et les sentiers de la catégorisation hâtive. En effet, chaque personnage dont la personnalité semblait clairement délimitée au début se retrouve finalement doté d'une profondeur plus nuancée qui se dévoile petit à petit et qui permet finalement de mieux comprendre les choix personnels de chacun. Avec cette manière d'analyse, qu'on peut qualifier de profondément véridique, on a l'impression d'avoir complètement sondé l'âme de nos héros et plus particulièrement celle de Ryota. On efface alors le sentiment de rage envers lui qui était apparu dès le début du film et qu'on gardait au fond de notre tête.

De plus, Kore-eda arrive à nous captiver tout au long de son film grâce à une progression qui, certes, nous dirige vers une fin clairement définie par le changement de comportement de Ryota mais qui malgré cela arrive toujours à nous surprendre grâce à une variété dans les scènes exposées. Ajoutons qu'elles ont toutes leurs importances bien qu'elles soient foncièrement différentes. D'une scène à l'autre, on passe souvent d'un rire léger presque enfantin, à des torrents de larmes qu'on doit à une grande empathie envers certains protagonistes.

Après Still Walking en 2008 que j'avais beaucoup apprécié, Hirokazu Kore-eda nous offre un autre petit bijou plein d'émotions et de sincérité. Le film, non sans humour, réussit à traiter parfaitement bien son sujet complexe en évitant soigneusement de tomber dans le pathos et dans les grands sentiments. C'est un magnifique doigt levé à une définition vieillissante de la famille qui nous ouvre les yeux sur les véritables motivations de l'amour entre un père et son fils.

Rédigé par Ronan SAUVAGE

Publié dans #Critique cinéma

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article