Critique Cinéma - Enemy (Denis Villeneuve)

Publié le 21 Septembre 2014

Crédits photo : © images tirées du film

Crédits photo : © images tirées du film

Adam, un professeur discret, mène une vie paisible avec sa fiancée Mary. Un jour qu'il découvre son sosie parfait en la personne d’Anthony, un acteur fantasque, il ressent un trouble profond. Il commence alors à observer à distance la vie de cet homme et de sa mystérieuse femme enceinte. Puis Adam se met à imaginer les plus stupéfiants scénarios... pour lui et pour son propre couple.

Comme certaines œuvres d’Hitchcock ou de Lynch (Sueurs Froides, Mulholland Drive), Enemy fait partie de ces rares films qui happent et qui marquent totalement les esprits jusqu'à y laisser une trace indélébile, une marque au fer rouge, comme si la pellicule avait été préalablement chauffée à blanc. Et son réalisateur, s’il n’avait pas sauté à pieds joints dans cet immense univers qu’est le cinéma, aurait pu sans problème devenir un tisserand de renom tant son habileté à entrecroiser les fils scénaristiques est remarquable.

A la manière d’une immense toile d’araignée, son scénario où plane en permanence l’ombre du monstre à huit pattes a été méticuleusement tissé bout après bout pour installer une narration alambiquée et déstructurée à la mise en scène ingénieuse, éprouvante autant physiquement que mentalement mais palpitante et inexplicablement fascinante. Au fil des indices, des fausses pistes et d’un symbolisme omniprésent, le cœur s’emballe presque jusqu’à la crise cardiaque, la vision se trouble ne distinguant plus le vrai du faux et la respiration devient saccadée. Ces symptômes seraient ceux d’un un véritable coup de foudre, qui serait cette fois-ci cinématographique et non amoureux malgré la présence de la française Mélanie Laurent et de Sarah Gadon, la nouvelle muse de Cronenberg (A Dangerous Method, Cosmopolis, Maps to the Stars), toutes deux symboles de féminité dans ce qu’elle a de plus fragile.

Au cœur d'une ville brumeuse et jaunâtre, recouverte par cette immense toile, Jake Gyllenhaal, qui se démarquait déjà largement de ses collègues dans Prisoners rayonne ici à nouveau. A la fois Adam, professeur de fac renfermé et Anthony, acteur sanguin, l'interprète du prince de Perse en 2010 passe avec brio du bien vers le mal, de la chemise au blouson de cuir,d'une supposée innocence à un vice avéré et perpétue continuellement le doute autour d'une des grandes interrogations du film : les deux doppelgängers ne font-ils qu'un ? Son jeu doublement impeccable associé à des effets numériques invisibles à l’œil nu et couplé à la musique oppressante et tonitruante de Danny Bessi offre ainsi encore plus d’impact au scénario cauchemardesque et génial d’Enemy, à travers des scènes aussi captivantes que serai le leurre d'un Myctophidae, comme cette confrontation quasi-anthologique au milieu d’une chambre d’hôtel.

Après avoir piégé Hugh Jackman dans le sombre et sympathique mais très classique Prisoners, le canadien Denis Villeneuve n'ayant toujours pas étanché sa soif de thriller psychologique, nous plonge à nouveau dans les méandres de son esprit tordu à souhait mais génial avec un film parfait en tout point, de l'impressionnant double je(u) de Jake Gyllenhaal, entre ombre et lumière, jusqu'aux dédales de sa narration alambiquée qui après vous avoir laissé comme foudroyé reviennent vous hanter encore et encore... et encore.

Critique Cinéma - Enemy (Denis Villeneuve)

ENEMY

27 août 2014 - 1h30

Thriller - Canada, Espagne

De Denis Villeneuve

Avec Jake Gyllenhaal, Mélanie Laurent, Sarah Gadon

Rédigé par Ronan SAUVAGE

Publié dans #Critique cinéma

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