Critique Cinéma - Un Homme très recherché (Anton Corbijn)

Publié le 5 Octobre 2014

Crédits photo : © images tirées du film

Plus de dix ans après les attentats du 11 Septembre 2001, la ville de Hambourg a du mal à se remettre d’avoir abrité une importante cellule terroriste à l’origine des attaques contre le World Trade Center. Lorsqu’un immigré d’origine russo-tchétchène, ayant subi de terribles sévices, débarque dans la communauté musulmane de Hambourg pour récupérer la fortune mal acquise de son père, les services secrets allemands et américains sont en alerte. Une course contre la montre s’engage alors pour identifier cet homme très recherché : s’agit-il d’une victime ou d’un extrémiste aux intentions destructrices ?

Après Tomas Alfredson avec le chef-d'oeuvre qu'était La Taupe, c'est au tour d'Anton Corbijn, réalisateur de Control, merveilleux biopic sur le leader de Joy Division, d'adapter John Le Carré, maître incontesté de la littérature d'espionnage. Mais connaissant son style d'écriture très pointilleux et complexe, la tache de Corbijn s'annonçait ardue. En effet, comment intéresser le spectateur tout en respectant son génie narratif ?

La réponse à cette question tient en trois mots. Trois mots qui parleront à tous instantanément : Philip Seymour Hoffman. Récemment décédé de manière brutale le 2 Février dernier, l'acteur incarne ici un rôle à la hauteur de son immense talent, celui de Günter Bachmann, chef solitaire et secret d'une unité anti-terroriste basée à Hambourg, toujours une cigarette en main. A chacune de ses apparitions, à chaque phrase prononcée, les yeux se tournent naturellement vers lui, comme attirés par une lumière étincelante, tant sa présence captive. Il arrive même à nous faire oublier les prestations honorables des autres acteurs que sont Rachel McAdams, Wilhem Dafoe et Robin Wright (quoique excellente en harpie des services secrets américains). Seul Grigoriy Dobrygin, l'homme très recherché en question, parvient à s'extirper de la masse grâce à l'ambivalence de son personnage.

Il est également nécessaire de souligner la grande qualité du scénario d'Un Homme très recherché et surtout la capacité de Corbijn à avoir réussi à synthétiser en deux heures le roman de Le Carré en le rendant compréhensible sans le simplifier et très plaisant à suivre moyennant un minimum d'investissement cognitif et surtout un goût prononcé pour l'espionnage à l'ancienne, c'est-à-dire plus dans la tension dramatique (parfaitement retranscrite ici) et les investigations méticuleuses que dans l'action frénétique si chère aux nouveaux thrillers technologiques. Il manque néanmoins un petit "je ne sais quoi", une touche d'audace pour rendre cette histoire vraiment captivante.

Accrocheur mais pas aussi passionnant qu'il le voudrait, Un Homme très recherché n'en reste pas moins un thriller d'espionnage de très bonne facture à l'intrigue made in John Le Carré, complexe mais jamais compliquée et porté par un Philip Seymour Hoffman dans un de ses derniers rôles, toujours aussi grandiose.